En étudiant à l’échelle atomique le comportement thermique de nanoparticules composées d’or, de cobalt, de cuivre, de nickel et de platine, des scientifiques ont révélé que la stabilité de ces nanoalliages dits à haute entropie est beaucoup plus faible qu’espérée, car l’or et le cuivre ségrégent préférentiellement à la surface des nanostructures. Ces travaux expérimentaux et théoriques remettent en question plusieurs propriétés structurales prédites pour cette famille émergente de nanoalliages.
Les nanoalliages à haute entropie sont des nanostructures qui mélangent au moins cinq métaux formant une solution solide. Cette nouvelle classe de nanomatériaux offre de nombreuses perspectives dans le domaine de la catalyse hétérogène par les métaux. En effet, malgré leur faible teneur en métaux nobles, ces nanoparticules ont des performances catalytiques remarquables qui laissent entrevoir une considérable réduction des coûts de fabrication. Par ailleurs, la stabilité thermique de ces alliages que l’on pense renforcée par leur forte entropie de mélange, permet d’envisager la production de nanocatalyseurs stables à haute température. Cependant, cette dernière hypothèse restait à vérifier.
Des chercheurs et chercheuses du laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques (UMR Université Paris Cité – CNRS) et du Laboratoire d’Etudes des Microstructures (UMR ONERA – CNRS) ont récemment publié une étude dans Advanced Materials démontrant que cette stabilité thermique renforcée n’est pas au rendez-vous. En suivant l’évolution de la structure atomique de nanoparticules d’alliages AuCoCuNiPt entre 25 et 700 °C par microscopie électronique en transmission in situ et par dynamique moléculaire, ce consortium a mis en évidence une évolution de leur structure chimique, avec la ségrégation progressive puis l’évaporation des atomes d’or et de cuivre à la surface des nanoparticules. La concordance des ces résultats expérimentaux et théoriques met en lumière plusieurs contradictions à propos de la stabilité de ces nanostructures. Tout d’abord, contrairement à ce que leur nom suggère, leur structure atomique la plus stable est principalement dictée par des effets de surface et non par leur entropie de mélange. Leur structure alliée brut de synthèse est donc induite par la rapidité de leur formation, on parle alors d’effet cinétique qui favorise une structure hors-équilibre. Enfin, l’augmentation de leur taille par coalescence observée dès 400 °C, qui est étonnamment plus active dans ces nanoalliages quinaires que dans les sous-systèmes monométalliques et bimétalliques, vient contredire les phénomènes de diffusion ralentie attendu dans ce type d’alliages.
Au-delà de distinguer les effets cinétiques et thermodynamiques sur les propriétés structurales de ces nanostructures complexes, prérequis essentiel pour mieux contrôler leur synthèse, ce type d’étude in situ se révèle indispensable pour mieux cibler leur température d’application.
Référence :
Atomic-Scale Insights Into the Thermal Stability of High-Entropy Nanoalloys
Syrine Krouna, Anissa Acheche, Guillaume Wang, Nathaly Ortiz Pena, Riccardo Gatti, Christian Ricolleau, Hakim Amara, Jaysen Nelayah and Damien Alloyeau
Advanced Materials 2414510 (2024)
Contacts: Damien Alloyeau, Jaysen Nelayah, Hakim Amara
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