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Un réseau bidimensionnel de molécules à transition de spin bistables contrôlées par la lumière

publié le , mis à jour le

Contrôler l’état de spin d’un réseau bidimensionnel de molécules à l’aide de la lumière, c’est ce que viennent de démontrer des équipes du Laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques, de l’Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d’Orsay, et du Service de Physique de l’Etat Condensé de Saclay. Dans des travaux publiés dans Nature Communications, ces chercheurs ont observé grâce à une irradiation lumineuse et sous le contrôle de la pointe d’un microscope à effet tunnel (STM) la commutation individuelle de molécules d’un état non-magnétique vers un état paramagnétique au sein d’une monocouche moléculaire. Ce travail expérimental et théorique ouvre des perspectives prometteuses dans le contrôle de l’état de spin à l’échelle de la molécule unique.

Les molécules dites à transition de spin (spin cross-over) possèdent la propriété unique de pouvoir commuter par le biais d’une excitation lumineuse d’un état électronique stable bas spin vers un autre état haut spin (bistabilité) leur conférant un effet mémoire. De ce fait, ces objets présentent un intérêt majeur dans la conception de nouveaux composants pour l’électronique de spin moléculaire. Le changement de l’état de spin des molécules implique des distorsions structurales influencées par les interactions intermoléculaires caractérisant la monocouche et par les contacts avec le substrat métallique. En conséquence, l’observation sous irradiation lumineuse de la commutation de molécules individuelles au sein d’une monocouche organisée de molécules à transition de spin représente un enjeu fondamental dans le domaine de l’électronique moléculaire. C’est le travail commun réalisé par trois équipes de physiciens, chimistes et théoriciens appartenant au MPQ, à l’ICMMO et au SPEC respectivement.

Ils ont ainsi étudié par STM la structure d’une monocouche de molécules à transition de spin déposées sur une surface d’or ainsi que son évolution sous irradiation lumineuse. Des calculs réalisés dans le cadre de la Théorie de la Fonctionnelle de la Densité ont ensuite permis de caractériser sans ambigüité l’état de spin des molécules observées sur la surface, notamment par la description d’une réponse inélastique dans le spectre tunnel présente uniquement dans l’état magnétique. Ils ont ainsi montré la formation d’un ordre à longue portée, sous la forme d’une superstructure alternant une molécule dans l’état magnétique et deux molécules dans l’état non-magnétique. Cet ordre correspond de fait à une nouvelle phase thermodynamique de molécules à transition de spin en basse dimensionnalité. En outre, l’irradiation par une lumière bleue permet d’induire la commutation de l’état bas-spin vers haut-spin sur des îlots moléculaires, révélant par la même des effets propagatifs dans la couche, ainsi que des fluctuations de la phase photomagnétique à très basse température (4.6 K).

Cette étude montre donc pour la première fois la commutation par la lumière de molécules individuelles organisées en monocouche et la propagation de la phase magnétique révélant ainsi l’importance des effets collectifs dans les couches moléculaires. Elle ouvre ainsi la voie au contrôle de la bistabilité de molécules à transition de spin dans des couches organisées en surface, avec des perspectives prometteuses pour l’électronique de spin moléculaire.

Figure :

Image de microscopie à effet tunnel de 50 nm de côté qui montre une phase de molécules excitées d’état haut spin induite par une irradiation lumineuse. L’ensemble du phénomène d’excitation et de désexcitation (laser allumé puis éteint et à nouveau allumé) peut être visualisé sur le film ci-joint qui est constitué d’une succession de 386 images.

Contact :

amandine.bellec@univ-paris-diderot.fr

Référence :

Molecular-scale dynamics of light-induced spin cross-over in a two-dimensional layer, K. Bairagi, O. Iasco, A. Bellec, A. Kartsev, D. Li, J. Lagoute, C. Chacon, Y. Girard, S. Rousset, F. Miserque, Y. J. Dappe, A. Smogunov, C. Barreteau, M-L. Boillot, T. Mallah and V. Repain, Nature Communications 7, 12212 (2016).