Les propriétés thermiques des matériaux bidimensionnels (2D) sont d’intérêt fondamental pour la récupération d’énergie et le refroidissement électronique à l’échelle nanométrique [1-3]. L’exploration du transport thermique dans les systèmes 2D est un défi, en particulier dans l’architecture des dispositifs réels dans lesquels le matériaux est déposé sur substrat. Cela correspond à la configuration la plus pertinente pour les applications. Dans cette configuration, la diffusion de la chaleur est fortement affectée par les pertes thermiques à travers le substrat et dépend fortement des propriétés des interfaces.
Nous étudions le transport thermique de matériaux 2D avec un faible nombre de couches par la méthode de l’effet Joule, qui a été testée comme une approche fiable dans le cas des nanofils métalliques.
Nous avons utilisé cette approche dans le cas de nanofils de graphène de 300 nm de largeur et de quelques µm de longueur dans la gamme des hautes températures (400 K < T < 500 K), peu exploré en littérature [4].
Le cas du graphène est particulièrement intrigant. Le graphène est l’un des matériaux 2D les plus étudiés, il a une grande mobilité et un grand coefficient Seebeck [5,6], ainsi qu’une conductivité thermique très élevée, atteignant des valeurs jusqu’à 5000W/m K [7] lorsqu’il est suspendu.
En utilisant une couche d’oxyde épaisse et rugueuse pour découpler le matériaux 2D du substrat, nous avons constaté que les pertes thermiques à travers le substrat sont réduites de presque un ordre de grandeur par rapport aux valeurs théoriques attendues. Plus important encore, nous avons dévoilé une réduction efficace de la conductivité thermique, avec des valeurs aussi faibles que 40 W/m K, comparables aux valeurs mesurés expérimentalement pour les nanorubans de graphène. Une telle réduction peut être induite par une diffusion accrue des phonons avec le substrat et les impuretés dans le système, qui est inhérente à la fabrication du dispositif. La méthode utilisée est efficace pour l’investigation de la conducibilité thermique de matériaux de basse s dimensions déposée sur un substrat. Nos observations devraient stimuler la recherche de solutions alternatives pour la conversion d’énergie à l’échelle nanométrique en utilisant du graphène et d’autres matériaux 2D lorsqu’ils sont déposés sur des substrats.
Figure 1a : a) Schéma d’un dispositif basé sur un nanofil de graphène. b) Image optique de la couche de graphène avant la gravure définissant les nanofils (masque en rouge). c) Conductivité thermique des nanofils multicouches de graphène (10 couches) déposé sur substrat en fonction de la température. L’inset montre la dépendance en température de la conductivité thermique k suivant le modèle de Callaway en augmentant le terme de diffusion avec les impuretés.
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properties of graphene, Small 10, 2182 (2014).
[2] E. Pop, V. Varshney, and A. K. Roy, Thermal properties of
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1273 (2012).
[3]J. Wu, Y. Chen, J. Wu, and K. Hippalgaonkar, Perspectives
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Electron. Mater. 4, 1800248 (2018).
[4] S. Timpa, J. Rastikian, S. Suffit, P. Lafarge, C. Barraud, M. L. Della Rocca, Phys. Rev. Applied 14, 014056 (2020)]
[5] Y. M. Zuev, W. Chang, and P. Kim, Thermoelectric
and Magnetothermoelectric Transport Measurements of
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[6] J. Duan, X.Wang, X. Lai, G. Li, K.Watanabe, T. Taniguchi,
M. Zebarjadi, and E. Y. Andrei, High thermoelectricpower
factor in graphene/hBN devices, Proc. Natl. Acad. Sci.
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[7] A. A. Balandin, S. Ghosh, W. Bao, I. Calizo, D. Teweldebrhan,
F. Miao, and C.-N. Lau, Superior thermal conductivity
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