La mécanique quantique prédit que le taux d’émission spontanée d’un ensemble de sources identiques dans un très faible volume est un effet cohérent proportionnel à leur nombre. Ce phénomène, connu sous le nom de « superradiance », est généralement difficile à observer, quel que soit le système physique : nuages atomiques, boîtes quantiques à semi-conducteurs ou circuits supraconducteurs. En particulier dans la matière condensée il est très difficile de réaliser des systèmes à deux niveaux identiques car la température, le désordre et la structures de bandes rendent l’ensemble fort inhomogène et limitent les particules identiques à des sous-ensembles peu nombreux. Les physiciens de l’équipe QUAD ont démontré qu’un gaz dense d’électrons confinés dans une fine couche de semiconducteur est un système idéal pour observer la superradiance. En effet, en augmentant la densité électronique du système on favorise non seulement les effets superradiants, mais aussi les interactions de Coulomb entre électrons qui augmentent la cohérence entre les sources. Pour des très fortes densités électroniques l’ensemble redevient homogène et grâce à la superradiance le taux d’émission spontanée domine tout autre phénomène de relaxation.
Les échantillons étudiés sont constitués d’une fine couche d’InGaAs (puits quantique) en sandwich entre deux couches d’AlInAs. La couche de InGaAs a une très forte concentration électronique (1019 electrons/cm3) obtenue par dopage pendant la croissance avec des donneurs Si. Dans un gaz électronique à si haute concentration, les interactions sont très importantes et lient les électrons ensemble donnant naissance à un mode collectif plasmonique, dans lequel tous les électrons oscillent en phase. Pour exciter ce mode collectif et observer la luminescence, les chercheurs ont fabriqué et étudié des dispositifs type transistors où les contacts source et drain permettent d’injecter du courant électrique directement dans la couche d’InGaAs dopé et de chauffer les électrons. Les plasmons superradiants sont ainsi excités par un transfert thermique du gaz électronique chauffé.
La mesure de la superradiance a été mise en évidence par une étude détaillée de la largeur de raie d’émission qui montre que cette dernière augmente avec la concentration électronique et l’angle d’émission. Pour certains angles la contribution radiative est la partie prépondérante de l’élargissement, ce qui rend la mesure du taux d’émission spontanée très fiable. L’analyse des données montre que le temps de vie de l’émission spontanée peut être aussi court que 10 fs, un million de fois plus rapide que le temps d’émission pour un électron unique, en parfait accord avec les prédictions théoriques.
L’émission spontanée devient donc le processus le plus rapide pour dissiper l’énergie qui est fournie au plasmons, beaucoup plus rapide que tous les phénomènes de relaxation non-radiatifs caractérisés par des temps de l’ordre de 1ps. Cela implique que les plasmons superradiants se désexcitent essentiellement par émission des photons, et pourraient devenir le noyau actif de nouvelles sources de rayonnement efficaces dans l’infrarouge.
Figure :
Carte de l’émission des plasmons d’un puits quantique en fonction de l’énergie et de l’angle d’émission. L’élargissement des spectres aux angles importants est une démonstration du phénomène de superradiance. L’insert montre une image par microscope électronique à balayage d’un dispositif étudié.
Contact :
yanko.todorov@univ-paris-diderot.fr
Référence :
Superradiant Emission from a Collective Excitation in a Semiconductor, T. Laurent, Y. Todorov, A. Vasanelli, A. Delteil, C. Sirtori, I. Sagnes, and G. Beaudoin, Phys. Rev. Lett. 115, 187402 (2015).
Voir aussi : Physics viewpoint : All Together Now