Le graphène est un matériau découvert récemment constitué d’un seul plan atomique d’atomes de carbone. Ses propriétés électriques remarquables en font un candidat sérieux pour de nombreuses applications. Cependant, les échantillons industriels sont polycristallins et comportent donc de nombreuses frontières entre domaines cristallins (joints de grains) qui altèrent ces propriétés. L’étude des propriétés de ces défauts est un prérequis indispensable au développement de ce matériau. C’est maintenant chose faite grâce à une collaboration européenne entre l’université Paris Diderot, l’école polytechnique fédérale de Lausanne et l’université de Namur. Etonnamment, alors que le graphène est un cristal bidimensionnel, les joints de grains ont une fâcheuse tendance à cloquer lorsque la désorientation angulaire entre les domaines est faible. Pour des désorientations plus importantes, les chercheurs observent des défauts réguliers et plats qui montrent des propriétés électroniques potentiellement intéressantes pour les applications.
L’expérience réalisée au laboratoire Matériaux et Phénomènes Quantiques a été possible grâce à l’utilisation d’un microscope à effet tunnel à basse température et d’échantillons de graphène sur carbure de silicium de grande qualité, fabriqués à Namur. Par une analyse systématique d’un grand nombre d’images de joints de grains résolues à l’échelle atomique, les chercheurs ont pu montrer que ces défauts subissaient une transition de cloquage pour des angles de désorientation entre les grains cristallins de moins de 19°. Des calculs théoriques réalisés à Lausanne par la technique de la fonctionnelle de la densité confirment cette observation et expliquent ce phénomène par les contraintes importantes localisées dans ces joints de grains, qui sont partiellement relaxées par le cloquage. Pour des angles de désorientation plus importants, des joints de grains plats et périodiques, composés d’une succession d’atomes de carbone en sites pentagonaux et heptagonaux, ont été mesurés pour la première fois et parfaitement caractérisés. Les calculs montrent que ce joint périodique est un filtre qui permet de sélectionner les électrons du graphène en direction et en vitesse. La réalisation contrôlée de tels défauts pourraient ainsi permettre de fabriquer des dispositifs électroniques ayant de nouvelles fonctionnalités grâce à cet effet de filtre.
Figure :
Image STM en vue tridimensionelle de plusieurs grains cristallins de graphène séparés par des joints de grains. Ces derniers peuvent être plats (au centre) ou cloqués (en haut) en fonction de l’angle de désorientation entre les grains.
Contact :
jerome.lagoute@univ-paris-diderot.fr
Référence :
Grain Boundaries in Graphene on SiC(000-1) Substrate. Yann Tison, Jérôme Lagoute, Vincent Repain, Cyril Chacon, Yann Girard, Frederic, Joucken, Robert Sporken, Fernando Gargiulo, Oleg V. Yazyev, and Sylvie Rousset, Nanoletters 14, 6382 (2014).